mercredi 6 juin 2012

Enfanter pour faire rouler l’économie

Vous avez peut-être entendu récemment dans les médias de masse les statistiques et chiffres du dernier recensement canadien. Dès lors, les médias se sont mis en quête de propos alarmistes et de chiffres juteux à jeter à leur auditoire. Inévitable sujet favori de notre chère presse : le vieillissement de la population.  On expose alors la pyramide des âges et on fait miroiter le spectre du nombre de travailleurs et travailleuses actifs vs les personnes âgées. Juxtaposer à ces supposés chiffres catastrophiques sur le vieillissement, on mentionne que le taux de natalité ou fécondité est insuffisant pour le remplacement des générations. On amène alors les fameuses statistiques suivantes :

« Ce n'est pas comparable au baby-boom qu'on a connu dans les années 1946 à 1965, car on est encore avec une moyenne de 1,7 enfant par femme alors qu'à l'époque on avait une fécondité de près de quatre enfants par femme. Ce n'est donc pas suffisant pour éviter le vieillissement. »1 
« Le taux de natalité n'était toutefois que de 1,74 enfant par Québécoise en 2009, soit en-deçà du seuil de remplacement de la population de 2,1. » 1 
« Elle ajoute que le Québec se situe, depuis 1970, sous le seuil de remplacement des générations, c'est-à-dire avec un taux de fécondité inférieur à 2,1 enfants par femme. » 1 
« Le taux de fécondité a augmenté dans les dernières années [il est de 1,7 enfant par femme], mais ce n’est pas suffisant pour atteindre le seuil de remplacement [établi à 2,1 enfants]. » 1


Mettons d’abord quelque chose au clair, le fameux chiffre 1.7 représente le taux de fécondité et non pas le taux de natalité. Le taux de natalité serait le rapport entre le nombre de naissances sur la population totale, par exemple, 8 pour mille, 8 bébés pour 1000 personnes. Le taux de fécondité est la moyenne du nombre d’enfants par femmes, 1.7 au Canada.  Effectivement, le taux de remplacement générationnel est de 2.1 afin de  remplacer les deux parents.  

Outre les erreurs de nomenclature des médias, ce qui me frappe le plus c’est que le sacro-saint 2.1 est martelé assez fréquemment. Tout chiffre se situant en-dessous de cette barre est présenté comme quelque chose d’anormal et en quelque sorte de malsain.  On sent dans le ton des journalistes une sorte d’urgence. Peut-être un rappel à l’ordre? Après tout, si les femmes faisaient des enfants nous n’aurions pas tous ces problèmes?  On parle alors d’appliquer plus de mesures natalistes pour inciter les femmes à avoir plus d’enfants. Voyez-vous la même tangente dangereuses que moi? 

En plus de mettre le poids de la croissance sur les femmes, on constate dans ces propos l’absence de réflexion critique sur le vieillissement, la natalité et les questions démographiques. Il est vrai que nous avons des défis à relever face au vieillissement de notre population, mais justement ne devrions nous pas en profiter pour questionner le système économique.  Le système capitaliste sous-tend une expansion démographique sans fin voire même illogique face aux ressources disponibles sur notre planète. Est-ce que le fameux 2.1 doit être un but? Il est clair qu’un modèle économique qui promouvoit la croissance tentera par-dessus tout d’élargir le bassin de travailleurs-euses/consomateur-trices disponibles.  Cette reproduction de la force de travail passe inévitablement par les femmes. Le système tente donc de nous contraindre à la maternité pour soutenir la croissance. D’où les appels fréquents des gouvernements, médias et élites en place pour nous rappeler que nous devrions enfanter plus, que ce soit par des politiques natalistes ou des propos culpabilisants. Cette contrainte à la maternité est tellement bien ancrée dans notre société qu’il est difficile d’en voir les manifestations. Pourtant, les femmes devraient avoir les enfants qu’elles désirent et non pas se faire marteler qu’elles n’enfantent pas assez.

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L'extrême droite et la démographie

Dans la même lignée sur la natalité, je suis tombé sur un article du groupe d'extrême droite catholique Campagne Québec Vie. Il se démarque par leurs positions anti-choix, homophobes et conservatrices. Quelques passages de leur propagande anti-choix en lien avec la démographie:


Cette pyramide démontre qu’il n’y a pas beaucoup de jeunes et un faible taux de natalité au Québec. Avec moins d’avortements, la société pourrait retourner à la normale- on verrait une pyramide de population plus saine, avec un plus grand nombre de jeunes que de personnes âgées, autrement dit, avec « une base solide ».
[...]

À cause de la légalisation de l’avortement, la majorité des nations européennes souffre d’un taux de natalités trop bas, ce qui veut dire qu’ils auront du mal à remplacer leur population actuelle.
[...]

ALORS…comment va-t-on économiquement soutenir la population du Québec s’il y a un problème de sous population dans l’avenir? Il reste peut-être seulement une chose à faire - réévaluer les lois sur l’avortement.

(Libre à vous de trouver l'article en question, je ne désire pas faire ''rayonner'' leur site web donc je ne dirigerais pas de lien vers celui-ci)

Bref, nous avons un problème de sous-population sur Terre. La cause? Bien sûr, l'avortement! C'est toujours de la faute des femmes, quelque soit le problème (même quand il n'existe pas), c'est bien connu.





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