dimanche 29 novembre 2009

À propos de la grippe du code postal

Grippe et Premières Nations

Par Jessica Yee

22 septembre 2009
Pour nous, communautés des Premières Nations du Canada, voir nos droits humains fondamentaux bafoués n'a hélas rien de surprenant. Mais après avoir entendu les médias révéler cet été que le gouvernement canadien avait décidé de retarder des livraisons très attendues d'assainisseur pour les mains à base d'alcool dans les réserves aux prises avec une pandémie de grippe A(H1N1), sous prétexte que l'on «craignait» des vols liés à l'alcoolisme dans ces communautés, je me suis mise à réfléchir à cette question. [La semaine dernière, le gouvernement canadien a expédié aux réserves autochtones des housses funéraires plutôt que les vaccins essentiels à contrer la pandémie de grippe.] Ce sont là des exemples illustrant le «même vieux gouvernement stupide perpétuant la colonisation de nos gens». Mais il se passe ici autre chose dont il faut absolument parler.

Voyons les faits. Au cours des deux semaines et demie où le gouvernement a délibéré sur l'envoi ou non d'assainisseur dans les réserves, voici ce qui s'est passé:

- Les cas de grippe A(H1N1) se sont multipliés.

- Nos chefs, leaders communautaires, infirmières et représentants de santé communautaire ont fait des pieds et des mains pour tenir tête à l'épidémie croissante, sans l'aide d'un gouvernement absent.

- Les familles, enfants, aînés et membres de ces communautés ont dû attendre de voir si l'on allait ou non leur fournir des services de diagnostic et de soins, à mesure que les conditions s'aggravaient.

- Le reste de la population canadienne a de temps à autre été informée que le virus affectait plus les communautés des Premières Nations, mais pas suffisamment pour justifier une campagne nationale de soutien.

Meilleur pays du monde

L'accès à des soins de santé essentiels est un problème continu pour beaucoup de peuples autochtones de par le monde, et le Canada ne fait pas exception à la règle. Mais l'universalité des soins de santé et les Services de santé non assurés (dont bénéficient les Premières Nations et les Inuits au Canada) ne signifient rien si vous vivez à un endroit où l'on vous refuse encore l'eau courante, sans même parler de l'accès à un médecin.

Les statistiques ne manquent pas: en juin, un rapport du Sous-comité sénatorial sur la santé des populations a souligné les insuffisances et les injustices sociales des systèmes de santé et services dévolus aux Premières Nations, en parlant de conditions qui «rappellent le tiers monde». Voici comment débute ce rapport:

«Le Canada est généralement perçu comme l'un des meilleurs pays du monde où vivre. Son territoire est vaste, diversifié et riche en ressources naturelles, et l'air que l'on y respire est de qualité. Pourtant, sur le plan de la santé, notre pays affiche malheureusement de graves disparités. Certains Canadiens sont en excellente santé toute leur vie et leur espérance de vie est parmi les plus élevées au monde; paradoxalement, d'autres sont en mauvaise santé toute leur vie, et leur espérance de vie s'apparente à celle de certains pays du tiers monde. Les malheureux Canadiens qui sont en piètre santé toute leur vie sont souvent moins productifs et ajoutent au fardeau du système de soins de santé et au filet de sécurité sociale. Notre système de santé ne peut à lui seul remédier à ces inégalités, peu importe l'argent que nous y investissons.»

Marcher sur des oeufs

Et l'on ne mentionne même pas le fait que les infirmières des Premières Nations reçoivent environ 20 % de moins que celles travaillant pour Santé Canada. Mais je veux que les gens commencent à discuter du pourquoi et du comment de l'oppression des Premières Nations par le gouvernement canadien.

Le Canada demeure un État colonial. Le pays fonctionne sur la base de lois de type colonial qui sapent l'autodétermination des gens des Premières Nations: il nous faut l'aval du gouvernement pour fournir des services aux gens qui en ont besoin. On note une avancée prometteuse en Colombie-Britannique: une entente tripartite entre les gouvernements et les services de santé des Premières Nations, et des projets de loi semblables progressent en Saskatchewan et ailleurs. Mais il nous faut encore marcher sur des oeufs face aux décideurs, alors que nos gens périssent mentalement, physiquement et spirituellement chaque jour, tant dans les grandes villes que dans les territoires nordiques les plus isolés.

Quelle importance que le gouvernement ait cru avoir des raisons «légitimes» pour retarder l'envoi d'assainisseur à des communautés ayant désespérément besoin d'aide! La vérité est que, même si certains chefs ont dit ne pas en vouloir, le gouvernement n'était pas prêt à en envoyer. Durant tout ce délai d'attente, il a laissé des gens, souffrir, paniquer et hurler de frustration — sans aide. Mais j'imagine que c'est un état de fait dont ils ont l'habitude...

****

Ce texte, publié à l'origine cet été dans le Guardian, a été traduit par Martin Dufresne et Michelle Briand.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire